Ce pays, comme tous les pays du monde, a une histoire qui imprègne beaucoup son présent.
Tous les jours, les étudiants font des marches, bloquent les avenues, pour obtenir l’éducation gratuite.
Les Chiliens, de manière générale sont sensibles à ce combat.
L’autre jour, un chauffeur de taxi nous dit qu’il est heureux que les jeunes n’aient plus peur de la police comme eux.
Lui, il craindrait de se faire tuer.
Il est fier de la jeunesse de son pays.
On a beau connaître quelques « mots clés » sur l’histoire de ces dernières années au Chili comme « Dictature », « Pinochet », quand on entend ces quelques mots dits par cet homme, ça nous fait réaliser que les cours d’histoire parlent de gens, de souffrance, d’humains, pris dans le destin d’un pays, d’un continent ou d’intérêts mondiaux.
Leur souffrance douloureuse est jeune, ils ont construit un musée de la mémoire et des droits humains. Et c’est essentiel pour eux, Chiliens, mais aussi pour des français bien chanceux de leur passé qui viennent partager leur cirque avec les habitants de cette terre.
Dans ce musée, il n’y a pas de traduction française, et on a beau tous faire des progrès en espagnol, il est, bien sûr, difficile pour nous de saisir les subtilités de langage nécessaires pour parler de l’histoire de millions et de millions de Chiliens.
De l’Argentine, nous n’avons pas beaucoup parcouru le passé; ici, les étudiants nous obligent, et tant mieux, à nous y interroger… Merci les jeunes…
J’avais envie de partager avec vous les dates et évènements essentiels de ces dernières années au Chili.
Le musée est carré, imposant, lumineux et moderne.
Le premier événement dont il nous parle c’est du coup d’état militaire de 1973.
A ce moment là au Chili, présidait Salvador Allende, communiste élu 2 ans avant.
Ce coup d’état a été planifié par les commandants en chef des trois armées et le chef de la police, tout ce joli monde dirigé par le général Augusto Pinochet.
Le mardi 11 septembre (décidément!) 1973, l’armée a mis le feu au palais de la Monéda à Santiago dans lequel résidait (ou travaillait, je ne sais pas…) Salvador Allende.
Sur les écrans, nous voyons cette prise d’assaut, tout cela a été filmé.
Malgré le bordel qu’on peut imaginer dans la ville, les lignes téléphoniques et les radios n’ont pas été coupées. Le président, Allende a alors fait un discours, en direct du Palais pour le peuple Chilien. Une borne nous permet d’écouter ses mots dits avec une voix qui semble calme, bizarrement… quelques minutes après, il décidait de se suicider dans le palais avant que l’armée ne le chasse.
Une photo nous montre que pendant ce temps là, un couple est en train de s’embrasser à coté des flammes, sur la grande place. La nature de leur étreinte nous parle de ce grand bouleversement qu’ils sont en train de vivre. Ils en ont conscience. Ca se voit.
Nous continuons notre chemin. Et nous voilà plongés dans l’horreur de la Dictature.
A la suite du coup d’Etat, Pinochet et tous ses potes militaires ont dissolu le Congrès National, les Conseils Municipaux, les syndicats et les partis politiques. Liberté de la presse: Stop! Et couvre-feu: Bienvenido!
Des cahiers d’enfant sont exposés. La mort, la faim, le feu trônent sur leurs dessins.
Plus loin, la carte du Chili. Et des centaines de petites points lumineux dessus. Chaque point représente un centre d’incarcération.
Plus loin encore, croquis sur les engins de torture mis en place.
Les chambres de torture étaient créées dans des maisons particulières de partisans du régime. Et il n’en manquait pas…
Toutes les personnes ayant des actions ou paroles un peu « trop proches du socialisme » se retrouvaient face à l’armée et à ses violences. Ils étaient alors exilés (dans le meilleur des cas), torturés ou exécutés.
Des témoignages filmés passent sur les grands écrans. Témoignages de torture.
On continue, et nous voilà nez à nez devant un ordinateur.
Cette machine porte dans son ventre tous les noms des disparus pendant ce régime.
« Où est ma fille, mon mari, mon frère? »
Des panneaux interrogatifs d’il y a 25 ans.
Des photos d’attente, de tristesse, de foule rassemblée et solidaire.
Des photos de visages qui se sont éteints après exécutions, tortures, couvrent le grand mur du deuxième étage. Certains cadres sont vides.
Dans le couloir du fond, la presse internationale.
Impossible de ne pas se demander ce que les autres pays ont fait, ce que la France a fait.
Une image de l’ONU. Un dessin. L’ONU demande à Pinochet qu’il leur explique ce que sont devenus ces gens. Pinochet leur dit qu’il n’en sait rien et qu’il va dès que possible faire une enquête à ce sujet. Il ne l’a jamais fait. L’ONU se désolidarise du pays Chilien… voilà ce que l’on croit comprendre de la réaction internationale à travers un croquis…
Impossible aussi de ne pas se dire… « Aujourd’hui, pendant ce temps, des peuples comme eux, crèvent la dalle et se font buter pour une pensée différente. »
Plus loin, les couleurs arrivent dans les écrans.
Nous apercevons des sourires, une grande fête.
En 1988, un référendum demande au peuple si il veut ou pas continuer ce régime pendant 8 ans. Ce référendum plébiscitaire faisait parti de la constitution transitoire du régime de Pinochet.
Le NON gagne le pays!!!
Les gens sortent dans la rue, pleurent, font péter la bouteille de champagne! C’est ce que nous voyons à la fin du musée, à la télévision.
Le non a gagné oui, mais à 53%. Il y a encore beaucoup de partisans de Pinochet au Chili aujourd’hui. Et pourtant, d’après ce que nous disent les écrits, les images, tout le monde mourrait de faim et le travail était devenu une denrée rare. Mais l’ordre régnait grâce à la terreur, et ça pour certains, c’est rassurant.
Les sourires triomphants des jeunes sur les images nous rappellent toujours les étudiants d’aujourd’hui qui bloquent les bâtiments. Ce ne sont pas les mêmes, peut-être leurs enfants.
Ce n’est plus la dictature au Chili, c’est bien fini. Mais si on était nés ici, chacun de nous l’aurait vécu dans sa plus tendre enfance, et ça quand on y pense, c’est un peu con, mais ça aide à comprendre. Ca aide à comprendre la peur. Ca aide à comprendre pourquoi le mot liberté ici sonne loin, sonne fort.
Hier soir, dans le spectacle : Moïse et son « viva la dictatura! » suivi de son « cassage de gueule », et, Sébi et sa hâche qui le poursuit furieux….
Et tout ça en présence de Chiliens de tous les âges, et tout ça joué dans un théâtre qui travaille aussi avec le ministère de la culture du pays…
…ça fout des frissons…
Vive les étudiants, vive l’école et l’éducation gratuite, vive l’art!!!
Profitons de notre liberté amigos et battons-nous pour elle…
émilie