La « Charla » (le débat)

Anglais, Espagnol

Petits trucs qui n’ont rien à voir mais qui sont trop importants:
ça y est on a la remorque!!! mais aussi deux voitures de location:
Un 4X4 qui nous permet de tirer la remorque avec tout le matos dedans, et une autre voiture pour le reste des « voyageurs fous. » yeah!
 
Merci à tous ceux qui écrivent des commentaires sur le blog, merci à vous tous de partager avec nous ces questionnements.
Ca me donne de l’énergie pour continuer à vous retranscrire ce que nous vivons.
Ce que nous avons la chance de vivre. Nous avons pu faire ce voyage grâce à l’Institut français, grâce à l’Ambassade française, grâce à la région de Bretagne, grâce à tellement de gens qui nous ont fait confiance. En vous écrivant ce qu’il s’est passé pendant ce débat, je suis pleine de reconnaissance par rapport à ces personnes, et à ces aides sans qui nous ne pourrions pas faire ce que nous faisons. Merci.
 
Bon, parlons de la fameuse Charla de mercredi soir organisée par le Circo Social del Sur.
 
Un cercle se forme petit à petit. Un cercle formé par nous tous venus discuter, écouter.
Ce cercle est mouvant, bien vivant, il s’agrandit ou se rétrécit tout au long de la soirée.
Mariana et Pablo (circo social) se chargent de l’introduction.
Pablo propose un tour de table (sans table!) : « Que chacun se présente, nous dise d’où il vient et ce qui l’a motivé à venir ici, ce soir. »
Nous sommes nombreux, nous parlons de nous comme on nous a proposé de le faire avec une discipline exemplaire.
Pablo conclut: « Nous venons de 20 lieux, ou compagnies de cirque différents » (ah quand même…)
 
Après les présentations de rigueur, les galapiats sont invités à raconter leur histoire.
Ils se regardent, hésitent, n’osent pas.
Lucile prend finalement la parole, tout en s’excusant un peu de parler de nous.
Sébastien (A) la seconde, puis c’est au tour d’Elice.
Je ne vais pas ici vous conter leur histoire, vous la connaissez pour la plupart. Sinon, je vous invite à visiter leur site (www.galapiat-cirque.fr) ou à venir carrément les rencontrer au festival « Tant qu’il y aura des mouettes! » au mois d’avril. Vous comprendrez tout seul! 🙂
 
Pendant le récit, ça fuse de questions dirigées aux français:
« Comment ça se passe en France? » Pour les aides de l’Etat en particulier.
C’est une grande question ici car ça n’existe pas en Argentine, et nous le verrons à travers plusieurs témoignages, dans plusieurs pays d’Amérique Latine également.
Mais ceux qui intéressent aussi beaucoup, ce sont les choix de vie des galapiats: itinérance, vie en collectivité, chapiteau, caravanes, motivations individuelles et collectives…
Ici très peu de gens (ou peut-être même personne?) vit de la production de spectacles.
Tous les artistes donnent des cours, ou font un métier à côté pour arriver à vivre.
Il est impossible dans ces conditions d’envisager de faire des tournées, de voyager comme les galapiats le font.
Mais ça les fait rêver, il nous le disent, et pas que rêver…
Ce débat est organisé pour changer des regards, pour changer des choses concrètement et non pas pour comparer bêtement nos différences de fonctionnement.
Les français parlent, un tour chacun, à leur manière. Nous n’avons bien sûr pas la même façon de voir les choses et tant mieux car nous faisons parfois des généralités un peu faciles qui ne correspondent pas à la réalité de notre pays.
 
Dans les yeux des autres, on sent de l’admiration mais pas que.
Un jeune homme prend la parole: « vous semblez avoir beaucoup d’aides de l’état, mais que faites-vous de tout ça? Nous, nous avons beaucoup d’énergie pour créer, pour faire ensemble? Et, vous, je me pose cette question: est-ce que vous ne perdez pas votre autonomie, ou votre énergie à cause de tant d’argent? »
 
Silence.
 
C’est une question qu’il est bon de se poser, non?
 
Nous tentons d’y répondre un peu maladroitement.
Notre culpabilité de toucher des sous (nous ne sommes quand même pas milliardaires, mais en comparaison, il est vrai que les sommes d’argent qu’on nous donne sont importantes) que eux ne touchent pas se fait sentir.
Mais ça met le doigts sur des questions, (je pense) que chaque compagnie devrait peut-être se poser.
Ne devrions-nous pas être plus vigilants à rester intègres avec ce(ux) qu’on défend?
Est-ce que les sous ne nous endorment pas parfois? Est-ce que nous faisons des compromis qui affaiblissent notre combat? Nos valeurs?
La culpabilité ne nous mènera nulle part, ces questionnements là, semblent plus fertiles sans nul doute.
 
Le jeune homme qui a pris la parole recherche des modèles d’autonomie afin de garder intacte la liberté de pensée et d’expression.
Nous disons qu’aujourd’hui en France les seuls qui ont un fonctionnement autonome dans le cirque, ce sont les cirques traditionnels, et ils ne se portent pas bien. Il est très difficile de vivre ainsi.
Nous reconnaissons que, parfois nous faisons des choix qui ne sont pas en accord avec ce que nous voulons défendre. Cela nous arrive mais c’est assez rare.
Nous reconnaissons aussi notre liberté et notre grande chance d’avoir des aides publiques afin de réaliser notre rêve.
Le jeune argentin nous répond qu’il n’a aucune réponse mais seulement des questionnements sur les modèles existants qui lui semblent imparfaits.
 
Elice prend la parole: « Bon, nous parlons beaucoup de nous, mais ce qui est important pour nous c’est de savoir comment ça se passe ici, comment vous faites, vous? »
Des sourires apparaissent sur les visages, touchés sûrement par cette pertinente parole.
 
De nombreuses expériences se partagent alors. Les gens sont venus de loin parfois. Une colombienne est là depuis quelques mois:
« Je suis de Colombie et là-bas c’est beaucoup plus difficile qu’ici. C’est pour cela que je suis là. Ce que je trouve incroyable, c’est qu’ici il y a même une formation gratuite à l’université pour les gens qui veulent faire du cirque (cela fait un an en effet que ça existe à Buenos Aires). Chez moi, c’est très dur. C’est même impossible de prendre des cours. Je suis très enthousiaste ici sur ce que je vois. »
Une autre jeune fille nous parle de chez elle, en Uruguay:
« Là-bas, il y a comme un pacte silencieux. Rien ne se passe pour le cirque. Rien. Et tous les artistes veulent partir pour apprendre ailleurs puis revenir ensuite pour partager avec les autres. Personne n’en parle là-bas, mais tout le monde pense comme cela, c’est pour ça que je l’appelle « le pacte silencieux ».
 
L’Argentine est loin d’être le pays le plus pauvre, et le plus en demande en Amérique du sud. C’est ce dont ces témoignages parlent. Ca pousse encore nos frontières dans la réflexion.
 
Les argentins, ensuite, parlent de leur énergie débordante, de leur solidarité.
Ils disent qu’ils font beaucoup, beaucoup de choses avec peu de choses. Ils disent qu’il faut se récompenser de cela et non se sous estimer.
Ils disent aussi qu’un peu plus de reconnaissance de l’Etat ou des institutions ne seraient pas nuisibles à toute cette effervescence.
 
Pablo dit au jeune homme de tout à l’heure: « Chaque artiste ici est un exemple d’autonomie, non? »
Bien vu et bien vrai!
 
Nous continuons à parler avec un peu plus de fatigue.
Certains commencent à partir de la salle.
Nous, on reste un peu pour partager la cerveza (la bière)!!!
 
Ce soir, les galapiats se sont souvenus aussi qu’au début ils n’avaient rien, et qu’ils n’ont pas attendu d’avoir de l’argent pour créer. Ils l’ont dit. Ils ont d’abord fait, semé puis récolté. Ils le disent. Pablo sourit. C’est ce qu’ils font, eux aussi. Avec tellement d’enthousiasme, de générosité.
Nous pourrions nous remercier sans fin tellement nous sommes heureux, heureux de cet extraordinaire partage.
Nous nous faisons des câlins comme c’est la coutume ici.
Nous nous embrassons avec les bras, les yeux et le coeur.
Nous trinquons, au présent, à l’avenir, à la vie.
Nous sommes heureux d’être ensemble…
 
Chin chin amigos 🙂
 
émilie
 

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