Continuer

Nos pieds sont maintenant posés sur la terre chilienne.
Le groupe s’est retrouvé dans sa capitale: Santiago.
C’est le ministère de la culture qui nous accueille ici et nous le sentons sur l’ultra confort de notre quotidien. Nous ne sommes plus dans la maison de copains circassiens à guetter notre intimité.
Ici, c’est l’hôtel Nippon et un petit déjeuner à volonté!!!
On n’était plus trop habitués, on n’y a pas cru au début qu’on pouvait se servir du thé, et même du café, et même avec du lait, qu’on pouvait manger des fruits frais, et des tartines grillées et du beurre salé (ouiiiii!!!!)… bon il n’est pas bon, mais imaginez notre joie…
C’est vrai qu’on est moins proches des gens ici, qu’on apprécie le cocon de notre lit douillet. Par tout ce « luxe », il est moins facile de réaliser qu’on est à l’étranger.
Mais il faut l’accepter, ici c’est un peu un autre voyage, c’est différent; les raisons pour lesquelles nous sommes là ne sont pas tout à fait les mêmes.
Et si le ministère de la culture chilienne peut, avec notre venue, développer encore le cirque et les échanges culturels dans ce pays qui a été fermé au monde pendant des années, alors Yallah!
 
Macaréna nous a réuni pour nous parler de l’histoire du cirque au Chili et de ce qu’il s’y passe aujourd’hui. Pour elle, il y a un problème en terme de création artistique. Dans ce pays, trois spectacles par an voient le jour. C’est extrêmement peu.
Ce qu’elle souhaite Macaréna, ce qui lui tient à coeur, c’est que les artistes de Galapiat insufflent cette énergie, cette envie, cette confiance aux gens d’ici.
A travers leur Risque zérO un peu dinguo, et leurs stages ou séminaires, l’accent sera mis là, l’invitation se lancera et nous agirons tous ensemble pour que le cercle circassien soit le plus grand possible.
 
Après les vacances, chacun doit se re-mobiliser, se recentrer tout en découvrant une autre culture.
Notre aventure a déjà un mois et demi, presque deux, et c’est un travail au quotidien de rester en éveil. Les habitudes sont vite prises et l’émerveillement des premiers temps est à réveiller tous les matins avec nos têtes, nos corps et tout le reste.
la curiosité encore et continuer à partager la création, Appeler le mouvement, le risque, les émotions, le cirque. Développer toujours l’échange. Se laisser transformer par les ambiances, les rencontres, les points de vue. Ne jamais figer. Rester disponible et continuer notre travail d’une manière honnête et minutieuse comme chacun de nous aime le faire.

Lucie et Nelly sondent avec leur enregistreur et leur appareil photo les visages, les coeurs, les âmes et les histoires; à l’intérieur du groupe mais aussi dans les paysages que notre chemin dessine.

 

Luc et Gautier veillent au matériel, à la technique. Nous savons tous que si ça casse, si ça grille, si ça lâche, ils sont là, ils agissent, ils réparent.

Marine, elle travaille à la communication. Elle crée les affiches, les fly en fonction de là où l’on passe. Elle reste aussi un lien fort, essentiel entre notre présent sud américain et l’avenir de la compagnie en France et ailleurs.
Lucile est le reine référante de l’organisation générale. Elle nous concocte des plannings, des listes de contact, nous met en lien, nous explique, nous ré-explique, nous bichonne, nous ménage, nous motive.

 

 

 

 

En ce qui concerne les six spécimen/artistes, ils fédèrent tous ces rêves, cette énergie, ces transformations.
Sans Moïse, sans Sébi, sans Elice, sans Sébas, sans Jonas, sans Lucho, ce blog et tout ce partage n’existeraient sûrement pas.

Mes textes mettent souvent les artistes au centre comme sur la piste. Mais chaque personne ici apporte son savoir faire, sa passion, son enthousiasme pour que cette « machine humaine de galapiats » continue encore et encore à semer de l’envie de vivre ultra concentrée dans chaque corps et chaque esprit.
C’est de la responsabilité de chacun de nourrir, de prendre soin de cette graine, puis de semer à son tour.
Ce voyage et les conditions extérieures « extraordinaires » nous poussent, nous aident à le faire un peu plus chaque jour. Mais tout cela est fragile.
 
Ce voyage réveille ce qu’il devait réveiller.
Nous reviendrons changés chacun dans sa plus grande intimité mais aussi le groupe dans sa globalité. Des questions se posent sur l’avenir, et le sens de notre route ensemble ou seul?
Ce voyage c’est aussi le temps de réaliser comme notre vie est précieuse et qu’il faut tous les jours aller là où la source jaillit.
C’est grâce à cela que la compagnie galapiat existe, et que Risque zérO a pu naître.
Alors peu importe la forme, les changements que ça déchire parfois en nous, continuons encore afin que la vie pétille , afin que l’envie l’emporte sur nos habitudes et sur nos peurs.
 
Bonne journée à chacun de vous et merci de suivre nos pas à travers mes mots et les photos de Sébastiente.
 
 

 

 

 

 Émilie

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Après la Cordillère des Andes

Depuis le Chili, à Quintay, petit village de pêcheurs face à l’océan pacifique, le 14 Octobre 2011,
 
Nous sommes tous en vacances jusqu’à dimanche. Le cirque n’est plus, depuis quelques jours, au centre de nos journées. Impossible de vous donner des nouvelles de tout le monde; nous prenons des vacances du groupe tambien.
Certains ont déjà passé la frontière, d’autres retardent ce passage.
Pour le matériel, ça y est c’est fait!
L’équipe de choc avait été formée: Lucile, Gautier, Séba et Emilie.
Ca y est nous avons vécu la cordillère des Andes.
Des montagnes fières et brutes, un paysage de désert dans une froide atmosphère.
Certains films y ont été tournés (7 ans au Tibet par exemple); pas étonnant l’ambiance y est grandiose!
Ces montagnes, nous le savons, sont aussi pour les humains et les insectes, la traversée (ou non!) d’un pays à un autre, d’une culture à une autre.
Et, le grandeur de la roche nous parle déjà de ce difficile passage.
Le Chili a une histoire que nous connaissons mal pour l’instant. Nous savons pour l’ancienne et longue dictature et son grand protectionnisme.
 

 

 

A la porte de la cordillère ou à l’entrée de ce pays: la douane.

Les gens font la queue. Certaines files face aux bureaux: « pour sortir de l’Argentine » et d’autres « pour entrer au Chili ».
Je ne vous parlerai pas dans le détail des 6 heures et demi passées dans ce sas de papiers, de discussions, de problèmes, de négociations mais je peux quand même vous dire que ce fut un long temps d’attente, d’apparitions de problèmes, d’heureuses résolutions, de craintes, d’incompréhensions puis enfin de papiers signés et tamponnés!!! yeah.
 
En Argentine, il y a des insectes qu’au Chili, ils n’ont pas. Et ils en sont fiers les douaniers chiliens. Ils nous expliquent que c’est grâce à leurs mesures drastiques que le Chili est sain de ces « sales petites bestioles ».
Leurs mesures donc: Interdire le passage de fruits, légumes, miel et de bois brut.
Ce que nous avons du abandonner: 2 bananes et le rondin de Jojo.
Nous avons tremblé pour la bascule et tout le reste du matériel fait de bois.

 

 

Au sortir de la douane frontalière, nous avons fêté notre victoire avec un très typique hot dog mayonnaise chileno!

 C’est un tout autre pays, à n’en pas douter. Nous venons d’arriver. Nous ne pouvons nous empêcher de comparer.
L’herbe ici est plus verte, la propreté plus présente, les habitants, bien que sympathiques paraissent moins accueillants et chaleureux, l’argent s’y compte en milliers, non parce que les chiliens sont millionnaires mais parce que 1,5€ = 1000 pesos chiliens.
 
Nous sommes accueillis à 1h du matin par Nolwenn à Santiago, la capitale.
Nolwenn (française et amie grenobloise de Lucile de surcroit) a habité ici pendant un an. C’est grâce à elle et à Macarena que la compagnie Galapiat peut jouer ici dans de bonnes conditions.
 
Ce que nous savons de ce pays, ce qu’il se passe ici, ce que les gens nous ont dit:
Au Chili, il y a beaucoup d’argent et tout est privatisé, de l’école primaire à l’université. L’accès à la culture compte aussi ses privilégiés. Aujourd’hui et depuis quelques mois, les étudiants font de grosses manifestations pour réclamer l’éducation gratuite pour tous. Ils bloquent avec des chaises les entrées de bâtiments dédiés à l’enseignement, y vivent dedans et mendient leur nourriture pour résister longtemps. Le gouvernement est encore loin de céder un peu de terrain.
 
Santiago est une grande ville, nous allons y travailler pendant deux semaines.
« Risque ZérO » se donnera au Théâtre « Nescafé », lieu plutôt chic financé en partie par la fameuse marque de “petit noir”.

Puis nous irons participer à une convention de cirque dans la montagne.

Enfin, nous terminerons notre voyage de circassiens à Valparaiso, belle ville du bord de mer, au sein d’un festival dédié à l’art qui nous amène ici.
 
Macarena est une danse certes, mais aussi une dame qui travaille depuis peu au ministère de la culture au Chili. Une nouvelle branche de la culture s’est créée ces derniers mois, et c’est la voie du cirque qui s’ouvre dans ce pays.
Macarena fait de la tournée Galapiat son premier projet de cirque reconnu par le gouvernement chilien, la classe!
 
Nous allons tenter de faire rimer « Nescafé » avec « les quartiers », pour notre tournée, ou même la macarena avec la cumbia de Gilda (chanteuse argentine).
 
Comme on l’a aimé ce pays…
Allez! nous allons tenter de ne plus comparer afin d’en profiter un max.
 
 
Terre chilienne : holà!
Bienvenido al Chile amis fidèles du blog.
Bienvenido al Chile el circo galapiat…
 
 
émilie
 
 
 
 
 

Tout le monde a la clé

Dans cette escuelita, il y a des cactus, une petite cuisine, une chambre, une salle de bain, une table à maté, et des cailloux sur le sol.

 

Et puis, il y a Matias qui a de grands yeux ouverts sur le monde. Ses mots semblent venir du coeur ou d’un endroit comme ça où l’allégresse extra légère existerait.

Il vit avec une jeune demoiselle, Jimenez, qui a trois enfants/chiens. Les seules bêtes tranquilles et sans tiques ou puces qu’on ait croisés en Argentine.

Ces deux amoureux vivent dans l’escuelita. Elle, elle arrose tous les soirs les plantes qui, comme eux, respirent l’air généreux de ce lieu de vie.

 

Et puis, il y a Ronda, qui est belle comme le jour, et fine comme une feuille. Elle parle avec son sourire et ses dents et offre toute sa lumière au cirque et même plus.

 

Et puis bien sûr, Renaldo, qui a eu sûrement une vie qui ne ressemble pas à celle de ceux qui sont nés le même jour que lui, car il est né comme cela, avec ce qu’il est.

Il est là dans ce lieu atypique, il aime tout le monde et il est aimé, c’est sûr. Il distribue avec le coeur gros comme son ventre, des câlins à tout le monde, comme ça, pour rien, toute la journée, et exige que tout le monde, comme lui, s’embrasse sans s’arrêter.

 

Et puis aussi y’a Dany, qui est sourd comme un pot. Un beau pot de peinture qui déborde et qui déborde. C’est un peintre génial et puis aussi punk et puis aussi sage avec ses rides d’expérience et son sourire d’enfant qui fait pleurer son regard de vieux.

 

Et y’a San Juan, le chef des jongleurs, et puis Charly le roi de la marionnette un peu philosophe, un peu révolté. Et, Lolo la trapéziste/maman à paillettes. Et aussi Marcella, qui ouvre sa maison et sa douceur à Marine et Moïse.

 

Et, puis y’a Cécilia qui se bat contre la pollution et les plantes transgéniques ultra répandues ici. Et, toutes les maladies que les humains récoltent à trop vouloir d’oseille.

Ils se battent tous pour un monde plus juste. Que l’on considère la Terre comme notre Mère.

Le hangar transformé en école de cirque coquette et chaleureuse a une toute petite porte d’entrée. Elle pourrait être, à n’en pas douter la porte de la maison des 7 nains et de Blanche neige qui ramène sa pomme. Cette porte a une serrure. Cette serrure s’ouvre à l’aide d’une clé. Et cette clé, chaque personne citée plus haut, l’a.

Si on était tous chrétiens je dirais de cet endroit que c’est la maison du bon Dieu ou du petit Jésus. Ce lieu appartient à tout le monde, et pourtant, il est, dans la réalité au père de Matias et de ses yeux heureux.

Des enfants viennent prendre des cours ici, de cirque bien sûr ou même de théâtre.

Et, tous ces gens-là avec leur grandeur d’âme, de combat et d’actions, sont heureux de nous recevoir. Ils nous attendaient avec impatience. Maintenant que nous y sommes. Ils boivent nos paroles. Nos propositions de jeu comme si ils ne voulaient pas en perdre une miette.

Ils sont magnifiques ces gens-là! Leur humilité est une leçon de vie.

Hier soir, nous avons fait une variété ensemble. Un pur bonheur!

Bon ça a commencé deux heures et demi (véridique!) après l’heure annoncée mais le public était là, en retard mais bien présent.

Leur décontraction et leur naturel détend le groupe. Et sur scène cette détente joyeuse peut même nous rendre drôle là où on était dramatique.

 

Sébi a vécu 10 minutes de piste, tout seul, avec ses couteaux, ses massues, sa balle de ping-pong et ses haches. Un aperçu, sûrement de son futur spectacle. Le public riait, frétillait, se serrait les coudes quand les lames entraient en piste. Sébi fut grand hier soir.

 

Sébas lui, déchira la scène avec Dany qui, lui, déchira son tee-shirt. Deux chanteurs un peu dingues, et deux micros qui gueulent: « A moi, personne ne me dit ce que je dois faiiiiiiire!!!! ni ma mère, ni le gouvernement, ni mon beau pèèèèèère… ». Et, tout en chantant, les deux mecs cinglés se jetaient des couches de peinture rouge sur le corps et les habits. Tout en en laissant sur scène et sur le pied de micro… on est rockeurs ou on l’est pas! Et comme clou de leur numéro de punk: une grosse galoche entre hommes!!! yeah!!!

 

Lucho était équilibriste hier, sur ses deux bras, comme ça. Pendant que Dany, et sa guitare jouaient une chanson écrite pour son grand père mort dans les mines. Sur ces mots déchirant, Lucho et ses grandes jambes résistaient à la force terrestre afin de rester suspendu comme ça, sur ses deux mains, les pieds en l’air. Ce numéro expérimental a mis de l’émotion dans ce petit hangar.

 

 

 

 

Moi, dans cette ambiance, je me suis sentie de faire un numéro de danse du ventre et puis comme c’était pas assez fou, Elice et son monstre à cheveux m’ont rejointe.

 

Il y avait aussi les marionnettes et Charly et les paillettes de Lolo. Et le numéro de tissus avec les quatre filles de l’escuelita sur l’air de « l’accordéoniste » de Piaf, répété à Lens Lestang quelques mois plus tôt. Et, y’avait aussi les jongleurs. Et le clown présentateur et Matias géniallissime et ses balles de tennis dans les verres en plastique qui nous a fait rire et nous a ému en même temps comme seuls les grands savent le faire.

 

Je vous l’ai dit les Variétés sont de mieux en mieux, et nous réalisons de plus en plus comme ça nous ouvre des moments de création.

Tout le monde, chez les galapiats en est un peu là dans sa vie d’artiste, ça tombe bien, ils en profitent, et nous tous avec eux.

 

 

 

Ce soir, je vous l’ai annoncé, ils jouent « Risque ZérO » à l’Université. Pendant que Marine et Lucile écrivent des centaines de cartes postales avec nos gueules dessus, je vous écris ce petit mot dans un café au centre de San Luis.

 

Gautier et Luc font réglages et balances dans le joli théâtre tout en bois.

Pendant que les « vagabonds/polissons » se préparent à faire frissonner la foule de cette ville tout en y déposant quelques rêves dans leurs poches.

 

 

 

Nous partirons lundi pour un autre pays. Le Chili. Peut-être pour un tout un autre monde. Certains d’entre nous n’ont pas envie de quitter cette terre argentine. C’est vrai que le monde vu de ce pays il est bien beau. Et surtout les humains, vus de cette partie de la planète, ça donne des ailes et ça rend fier!

Bon nous n’avons fait que passer. Nous n’avons peut-être pas eu le temps de voir les côtés sombres de toutes ces petites têtes.

Mais, je vous assure les amis, cette générosité et cette humilité, ça nous donne des leçons et ça fout des espoirs dans nos horizons.

 

 

 

 

Je vous quitte pour un bon bout de temps car nous nous séparons durant une semaine. Jusqu’à ce que nous nous retrouvions tous à Santiago au Chili. C’est les vacances pour chacun de nous et ça, ça ne se raconte pas sur notre blog…

 

En attendant de vous retrouver du côté du Pacifique, je vous souhaite une délicieuse semaine sur cette vaste planète bien belle…

 

émilie

 

Respire

Nous sommes encore pleins de cette lenteur. De ce vent dans les herbes sèches. Du maté qui tourne à en perdre la pipette. Du feu qui donne son parfum de bois. Des montagnes arides qui nous protègent. Des cabanes en paille qui nous abritent des rayons. De l’eau glacée de la rivière qui nous renvoie en enfance. Les regards sont pleins de silence. Du silence qui cohabite avec le souffle, avec le vent, les animaux, le soleil et la nuit. Les sourires sont remplis d’espace. Et de ciel et d’étoiles. Un temps de souffle, de silence et de respiration. Un instant de paix au rythme des tortues.

Les adorables tortues qui nous accueillent ici sont en train de créer leur lieu d’habitation dans la montagne à  45 minutes  de leur petite école de cirque dans laquelle nous sommes accueillis. Il faut faire encore 5 kms après avoir passé le petit village avant d’arriver à l’immense terre assoiffée qui voit pousser les cabanes en paille, en bois, et en… (ah ! non la brique c’est que pour les cochons !) bouteilles en plastique.

Ce lieu un peu Extra ordinaire se nomme  Ecoaldea   (le nom vous en donne la couleur…)

Nous nous laissons guider. Nous dépendons des gens qui nous ouvrent les bras. Nous suivons leur pas, leur énergie, leurs envies. Le temps d’adaptation est de plus en plus court. Chaque personne du groupe semble gagner de la souplesse. Chacun bien sûr a besoin de dire  « JE » très fort de temps en temps, ça secoue tout le monde un petit moment, et puis chacun  se refait un espace de liberté. Pas si facile d’écouter ses besoins et ceux du groupe. Quand, par chance ça va dans le même sens, notre force se trouve amplifiée, quand ça se contredit, les tensions naissent. Bien sûr, tout cela existe mais toujours, toujours la joie revient. La conscience de vivre une aventure extraordinaire ne s’est pas tarie pendant ces semaines. Nous prenons tous soin de ce cadeau.

Ils nous ont réservé deux jours pour vivre là-bas. Pour y lézarder ok mais aussi pour donner une variété juste à côté de leur refuge et cela à 17h. Ces tortues-là sont passionnées de cirque bien sûr, et nous allons jouer ensemble. Chuca est toujours là, fidèle et de plus en plus heureux de partager cette piste avec les galapiats. Nos artistes, eux commencent à prendre goût à ces petits cabarets. Leurs propositions sont différentes à chaque fois, ça donne de l’air et de la vivacité à leur jeu.

Le lieu de la variété d’aujourd’hui est magnifique, c’est en pleine cambrousse waouwww… 17h : personne… ce bout de champ a été joliment appelé la place des«  Pinches Cabrones » (traduction littérale : putains d’épines !). Et aujourd’hui c’est l’inauguration ! J

18h, après quelques aller/retours au village, Chuca et son camion/bus ramène quelques gamins du village. Deux ou trois couples curieux sont aussi venus se piquer le cul sur les putains d’épines de la « place ». Il est 18h45. Le soleil commence à faiblir, les artistes commencent.

Et bien les amis, il était divin ce public… les enfants et leur bouche ouverte, les adultes et leur sourire d’enfant ou leur larme de crocodile.

C’était magnifique dans ce désert paradisiaque…

Tout portait une saveur d’éternité…

Pourquoi  venir faire du cirque ici ?

 Pour vingt personnes émerveillées ?  Pour faire du trapèze avec les montagnes ? Pour nous remettre à notre place face à la grandeur du monde ? Pour une petite fille qui, à la fin, danse au centre de la piste face à des gens qui vivent dans un pays lointain ? Pour le jeune jongleur d’ici qui mord la scène ouverte et qui tient la fierté dans ses mains ? Pour Lucho ? Pour Jonas ? Pour Lucie ? Pour Nelly qui saisit des figures ? Pour Luc qui fait vibrer la guitare électrique dans ce no man’s land ? Pour Chuca  qui se régale de surfer sur les airs galapiesques ? Pour le raconter à nos enfants ?

Dans ce lieu hors du temps, l’eau n’est pas dans les éviers (aucun évier d’ailleurs !) et l’électricité n’est pas encore arrivée… peut-être, sûrement, elle n’y arrivera jamais.

Dans ce lieu grandiose et pur, nous avons respiré, respiré, respiré tous les 13, ensemble au même rythme. L’espace nous a fait oublier la promiscuité. Les heures qui bâillent et qui bâillent ont balayé le stress de Buenos Aires, et la tension du travail.

Elice et Sebi ont dormi à la belle étoile sur le tapis de bascule. Le ciel était tout nu hier soir, sans voile de lumière, sans retenu.

Les autres ont lancé leur tente « 3 secondes » de Décathlon… et se sont cassés le dos sur des ridicules tapis de sol !

Au grand matin, les montagnes nous ont réveillés à tour de rôle. C’était carrément cool comme réveil !

Malgré l’absence d’horloge le temps a fini par passer.

Après un passage à la rivière, nous posons à nouveau pied en ville.

Plein de désert tranquille, nous allons continuer notre chemin en Argentine, au Chili et même plus loin encore, en tortue, en serpent ou en chien…

Un peu l’impression, parfois, que ce voyage durera toujours, nous prenons habitude, mais nous le savons, ça se finira. Et peut-être aussi que chacun de nous portera cette trace et que ça nous changera et que l’on se souviendra de notre belle étoile, des tortues, de Chuca, des chansons, des feus de joie, du coin perdu et des regards.

A « l’école western », après notre passage, l’institutrice a été contactée par les autorités. Ils ont lu les articles, et peut-être ont rencontré des gens qui avaient croisé le voisin de celui qui est venu avec son petit ce jour-là. Les autorités, elles se sont dit qu’il fallait récompenser l’école pour cette initiative. Ils ont offert aux 8 petits cowboys un ordinateur et une imprimante… alors peut-être aussi que cela sert à ça. Il n’y a rien d’héroïque à faire du cirque en Amérique du sud, à la campagne. Ils sont juste heureux de jouer là, de prendre le bon air et de faire vibrer. Ce sont des petites choses de gamins circassiens qui, pourtant changent la vie de certains, c’est sûr. En Argentine ou ailleurs, ces artistes-là scrutent leur feu intérieur, tremblent quand ils ne voient que des braises, appellent la flamme, et s’il faut la hache pour trancher le bois, elle n’est jamais très loin. Ca n’a rien d’héroïque et pourtant leur chaleur nous éveille, nous éclaire, nous rend plus vivant. Peut-être que c’est ça être artiste ? Peut-être… Peut-être que c’est notre devoir à chacun de nous, afin de réchauffer les cœurs qui sont morts de froids ? Peut-être…

émilie

 

San luis

Dernière étape de l’Argentine.

Nous avons fait plus de la moitié du voyage. Jusque là, nous avons vécu ici sans compter le temps parce que nous en avions justement. Aujourd’hui, nous prenons conscience que nous avons plus de choses derrière que devant.

Ca fait quelque chose.

Dans une semaine, le 4×4 tirant la remorque  se dirigera vers la frontière chilienne. Nous décidons par réunions interposées : Qui va dans cette voiture ? Qui veut en avoir la responsabilité ? Qui a en a envie ? Qui peut le faire ?

Ce passage peut être épineux, très épineux, nous le savons depuis le début.

Le planning prévoit une semaine pour traverser la Cordillère des Andes.

Pour ceux qui seront dans le 4×4 : peut-être une semaine à gérer les problèmes rencontrés par la douane et tout faire pour que ça passe, pour les autres : Vacances… jusqu’à Santiago au Chili…

Cela fait quelques jours que nous avons quitté Villa Mercedes et cela paraît loin déjà.

Ici c’est bien différent. A part peut-être la baba cool attitude. Le rythme est lent. Les horaires sont élastiques. Lucile nous l’avait dit «A San Luis rien n’est vraiment organisé, enfin c’est un peu plus flou qu’ailleurs… ». Jonas est le référent du lieu. Ce flou lui laisse le champ libre à l’organisation…

Marine réclamait une réunion depuis le début du voyage pour parler d’une éventuelle tournée l’année prochaine en Europe de l’Est. Le planning le leur permet enfin.

Nous sommes en plein cœur de leur rêve, au centre de l’Argentine, et nos esprits se tournent vers l’Est en Europe. Les discussions sont passionnelles comme toujours. Les gueules sont libres et les visages combattifs. Chacun réclame son temps de parole. Chaque avis compte. Et si parfois on se laisse aller à réduire une décision à la majorité, le « pas d’accord » se bat pour qu’on ne l’oublie pas ; pour que sa voix ne soit pas noyée dans le groupe. Et chacun écoute. C’est passionnant.

Pour cette semaine : Une variété vendredi soir à la petite école de cirque qui nous accueille. L’horaire annoncé pour cette variété : 19h, mais voilà vu l’élasticité des minutes, ça ne commencera pas avant 21h ! Oh la vache ! c’est comme cela ici… « ce n’est pas un lieu formel » voilà ce qu’ils nous ont dit… bon alors… si c’est pas formel…

Samedi soir, Risque zérO se joue dans le théâtre de l’Université de la ville. Nous allons voir le vieux théâtre tout en bois. Ouaw… les artistes jettent un coup d’œil à la hauteur, à la couleur, à la chaleur, ils décident, ils adaptent. Risque ZérO est plus à l’aise dans un chap c’est sûr, dans la rue parfois, ou dans un quartier c’est vrai, bon là c’est plus précieux, plus « formel », ils vont réduire, couper ce qui va le plus haut afin que tout entre dans le cadre… Ils n’ont pas l’air frustré de ça… sûrement parce que ça change… qu’au théâtre de l’Université de San Luis, ils sont à l’opposé de l’ambiance de Villa 21 ou de «  l’école western ». Ils veulent TOUT vivre ces galapiats !

émilie