Petits trucs qui n’ont rien à voir mais qui sont trop importants:
ça y est on a la remorque!!! mais aussi deux voitures de location:
Un 4X4 qui nous permet de tirer la remorque avec tout le matos dedans, et une autre voiture pour le reste des « voyageurs fous. » yeah!
Merci à tous ceux qui écrivent des commentaires sur le blog, merci à vous tous de partager avec nous ces questionnements.
Ca me donne de l’énergie pour continuer à vous retranscrire ce que nous vivons.
Ce que nous avons la chance de vivre. Nous avons pu faire ce voyage grâce à l’Institut français, grâce à l’Ambassade française, grâce à la région de Bretagne, grâce à tellement de gens qui nous ont fait confiance. En vous écrivant ce qu’il s’est passé pendant ce débat, je suis pleine de reconnaissance par rapport à ces personnes, et à ces aides sans qui nous ne pourrions pas faire ce que nous faisons. Merci.
Bon, parlons de la fameuse Charla de mercredi soir organisée par le Circo Social del Sur.
Un cercle se forme petit à petit. Un cercle formé par nous tous venus discuter, écouter.
Ce cercle est mouvant, bien vivant, il s’agrandit ou se rétrécit tout au long de la soirée.
Mariana et Pablo (circo social) se chargent de l’introduction.
Pablo propose un tour de table (sans table!) : « Que chacun se présente, nous dise d’où il vient et ce qui l’a motivé à venir ici, ce soir. »
Nous sommes nombreux, nous parlons de nous comme on nous a proposé de le faire avec une discipline exemplaire.
Pablo conclut: « Nous venons de 20 lieux, ou compagnies de cirque différents » (ah quand même…)
Après les présentations de rigueur, les galapiats sont invités à raconter leur histoire.
Ils se regardent, hésitent, n’osent pas.
Lucile prend finalement la parole, tout en s’excusant un peu de parler de nous.
Sébastien (A) la seconde, puis c’est au tour d’Elice.
Je ne vais pas ici vous conter leur histoire, vous la connaissez pour la plupart. Sinon, je vous invite à visiter leur site (www.galapiat-cirque.fr) ou à venir carrément les rencontrer au festival « Tant qu’il y aura des mouettes! » au mois d’avril. Vous comprendrez tout seul! 🙂
Pendant le récit, ça fuse de questions dirigées aux français:
« Comment ça se passe en France? » Pour les aides de l’Etat en particulier.
C’est une grande question ici car ça n’existe pas en Argentine, et nous le verrons à travers plusieurs témoignages, dans plusieurs pays d’Amérique Latine également.
Mais ceux qui intéressent aussi beaucoup, ce sont les choix de vie des galapiats: itinérance, vie en collectivité, chapiteau, caravanes, motivations individuelles et collectives…
Ici très peu de gens (ou peut-être même personne?) vit de la production de spectacles.
Tous les artistes donnent des cours, ou font un métier à côté pour arriver à vivre.
Il est impossible dans ces conditions d’envisager de faire des tournées, de voyager comme les galapiats le font.
Mais ça les fait rêver, il nous le disent, et pas que rêver…
Ce débat est organisé pour changer des regards, pour changer des choses concrètement et non pas pour comparer bêtement nos différences de fonctionnement.
Les français parlent, un tour chacun, à leur manière. Nous n’avons bien sûr pas la même façon de voir les choses et tant mieux car nous faisons parfois des généralités un peu faciles qui ne correspondent pas à la réalité de notre pays.
Dans les yeux des autres, on sent de l’admiration mais pas que.
Un jeune homme prend la parole: « vous semblez avoir beaucoup d’aides de l’état, mais que faites-vous de tout ça? Nous, nous avons beaucoup d’énergie pour créer, pour faire ensemble? Et, vous, je me pose cette question: est-ce que vous ne perdez pas votre autonomie, ou votre énergie à cause de tant d’argent? »
Silence.
C’est une question qu’il est bon de se poser, non?
Nous tentons d’y répondre un peu maladroitement.
Notre culpabilité de toucher des sous (nous ne sommes quand même pas milliardaires, mais en comparaison, il est vrai que les sommes d’argent qu’on nous donne sont importantes) que eux ne touchent pas se fait sentir.
Mais ça met le doigts sur des questions, (je pense) que chaque compagnie devrait peut-être se poser.
Ne devrions-nous pas être plus vigilants à rester intègres avec ce(ux) qu’on défend?
Est-ce que les sous ne nous endorment pas parfois? Est-ce que nous faisons des compromis qui affaiblissent notre combat? Nos valeurs?
La culpabilité ne nous mènera nulle part, ces questionnements là, semblent plus fertiles sans nul doute.
Le jeune homme qui a pris la parole recherche des modèles d’autonomie afin de garder intacte la liberté de pensée et d’expression.
Nous disons qu’aujourd’hui en France les seuls qui ont un fonctionnement autonome dans le cirque, ce sont les cirques traditionnels, et ils ne se portent pas bien. Il est très difficile de vivre ainsi.
Nous reconnaissons que, parfois nous faisons des choix qui ne sont pas en accord avec ce que nous voulons défendre. Cela nous arrive mais c’est assez rare.
Nous reconnaissons aussi notre liberté et notre grande chance d’avoir des aides publiques afin de réaliser notre rêve.
Le jeune argentin nous répond qu’il n’a aucune réponse mais seulement des questionnements sur les modèles existants qui lui semblent imparfaits.
Elice prend la parole: « Bon, nous parlons beaucoup de nous, mais ce qui est important pour nous c’est de savoir comment ça se passe ici, comment vous faites, vous? »
Des sourires apparaissent sur les visages, touchés sûrement par cette pertinente parole.
De nombreuses expériences se partagent alors. Les gens sont venus de loin parfois. Une colombienne est là depuis quelques mois:
« Je suis de Colombie et là-bas c’est beaucoup plus difficile qu’ici. C’est pour cela que je suis là. Ce que je trouve incroyable, c’est qu’ici il y a même une formation gratuite à l’université pour les gens qui veulent faire du cirque (cela fait un an en effet que ça existe à Buenos Aires). Chez moi, c’est très dur. C’est même impossible de prendre des cours. Je suis très enthousiaste ici sur ce que je vois. »
Une autre jeune fille nous parle de chez elle, en Uruguay:
« Là-bas, il y a comme un pacte silencieux. Rien ne se passe pour le cirque. Rien. Et tous les artistes veulent partir pour apprendre ailleurs puis revenir ensuite pour partager avec les autres. Personne n’en parle là-bas, mais tout le monde pense comme cela, c’est pour ça que je l’appelle « le pacte silencieux ».
L’Argentine est loin d’être le pays le plus pauvre, et le plus en demande en Amérique du sud. C’est ce dont ces témoignages parlent. Ca pousse encore nos frontières dans la réflexion.
Les argentins, ensuite, parlent de leur énergie débordante, de leur solidarité.
Ils disent qu’ils font beaucoup, beaucoup de choses avec peu de choses. Ils disent qu’il faut se récompenser de cela et non se sous estimer.
Ils disent aussi qu’un peu plus de reconnaissance de l’Etat ou des institutions ne seraient pas nuisibles à toute cette effervescence.
Pablo dit au jeune homme de tout à l’heure: « Chaque artiste ici est un exemple d’autonomie, non? »
Bien vu et bien vrai!
Nous continuons à parler avec un peu plus de fatigue.
Certains commencent à partir de la salle.
Nous, on reste un peu pour partager la cerveza (la bière)!!!
Ce soir, les galapiats se sont souvenus aussi qu’au début ils n’avaient rien, et qu’ils n’ont pas attendu d’avoir de l’argent pour créer. Ils l’ont dit. Ils ont d’abord fait, semé puis récolté. Ils le disent. Pablo sourit. C’est ce qu’ils font, eux aussi. Avec tellement d’enthousiasme, de générosité.
Nous pourrions nous remercier sans fin tellement nous sommes heureux, heureux de cet extraordinaire partage.
Nous nous faisons des câlins comme c’est la coutume ici.
Nous nous embrassons avec les bras, les yeux et le coeur.
Nous trinquons, au présent, à l’avenir, à la vie.
Nous sommes heureux d’être ensemble…
Chin chin amigos 🙂
émilie
Apprendre à s’envoyer en l’air en groupe (avec le sourire et en toute sécurité) avec Sébastien Armengol et Lucho Smit.
La bascule à Konex.
C’est le troisième jour et le dernier pour ce séminaire.
Après un exercice d’échauffement à la bascule dite la Coréenne, Lucho parle à ses troupes :
« On a plus besoin de se parler, tout se fait, s’organise tranquillement, je suis content de cela. » Il félicite les jeunes soldats courageux.
Cela fait trois jours qu’ils travaillent. Je n’étais pas là avant, j’arrive à la fin, on sent le groupe soudé, détendu et concentré autour de la même cause.
Il n’y a que des hommes, exceptée une jeune fille : Delphina, débutante de surcroit.
Sur le tee-shirt de la téméraire : «j’aime bien les moustaches » (écrit en français) c’est anecdotique là aussi, un petit clin d’œil humoristique vite fait ça coûte pas cher et ça fait du bien!
Ils parlent technique, là aussi ils se comprennent entre eux (sauf Delphina peut-être?). La technique dépasse les langues. « pica pica etc » moi, je ne comprends rien. Mais j’imagine ce que cela peut bien être un « pica pica »… et c’est pas mal comme exercice, non?
Ils font de la coréenne.(à cause de la douane grrrrr) Ou petite bascule. La technique est différente. C’est ceux qu’ils m’ont dit.
Bref.
Deux sautent, les autres sont autour. Ca tape dans le dos pour se relayer. Ca ne s’arrête jamais. C’est le but. Ils sont dix en tout. Ca roule, ça saute, ça vole, ça tourne, ça fonctionne.
Le groupe est très important ici à Konex. L’écoute et le travail de groupe priment sur le reste. C’est la coréenne qui veut ça… et c’est beau à voir.
Yves-Marie est là aussi sur la planche qui s’agite. Ainsi que toute sa puissance d’Hercule.
Sébas s’occupe de Delphina. La seule qui ne sait pas faire de cet engin à propulsion. Il ne suffit pas de décoller, il faut rester dans l’axe afin de retomber sur le coussin, afin que la machine ne s’arrête jamais… il lui explique la technique… Delphina décolle avec la grâce, les pointes et ses grands yeux mais pas encore avec la constance verticalité de ces hommes.
Pendant ce temps (ou à peu près, il n’y a qu’une bascule!), les hommes et leur constance verticale commencent à faire des saltos!
Un gars saute dans tous les sens. Deux poussent (ou saute de l’autre côté pour faire contre poids). Deux sont au tapis (ou à la petite mousse!). Une personne est au catch (derrière au cas où)… les autres veillent. Vu l’organisation on se doute que c’est un truc pour « dingues » cette machine! (la suite nous le confirmera!!!)
Ce qu’il se dit pendant, ou après les sauts, retours dirigés aux Argentins: « il faut dégainer plus vite les gars! O mas pistola! (jeux de mots fait par un homme pour des hommes à connotation sexuelle. Sébastien qui, lui dégaine très vite en terme de saut à la bascule bien sûr, est l’exemple en la matière… il est fier notre français!)
Le moment de gloire d’Yves-Marie: Sébas a insisté pour qu’il enlève la longe hier. Il l’a fait. Aujourd’hui, voilà l’homme qui nous fait un saut de l’ange inversé o « el salto mortal » tout seul comme un grand. Tout le monde applaudit. Il a le sourire qui se répand jusque dans le public. Il tape dans la main de Sébas. Il est heureux notre Yves-Marie!
Sébas boit le maté (ah! Je n’ai pas encore parlé du maté! Tout le monde en boit tout le temps ici, c’est une boisson dite naturelle qui est entre le thé et le café, et qui, quand on en boit trop a la même effet que le red bull, pas sûr pour nous, français que ce soit si naturel! Je vous invite à chercher photos et autres précisions sur le sujet sur internet…), donne des explications ou conseils aux sauteurs, saute lui aussi, vole, tourne, prend des photos, répond au téléphone (car il s’occupe de la location des voitures pour récupérer notre remorque 🙂 mais aussi pour continuer le voyage), prend soin de Delphina en pur gentleman et va faire des besos à sa copine qui est train d’écrire sur lui! Du pur Sébastien comme on l’aime!
Lucho veille, cadre, félicite, calme les troupes quand c’est nécessaire, reparle sécurité et se réjouit du travail effectué!
Bien complémentaires ces deux-là! Bonne équipe!
Travail à la longe. Waou!!!
Chacun passe et se teste. La longe permet cela. De repousser les limites. Quand vient le moment où Lucho propose d’enlever la sécurité. Ca tremble dans le public. La concentration se fait plus dense. À la fin, les applaudissements sont accompagnés de notre soulagement.
Seb commence par la longe lui aussi. Puis, il l’enlève. La tension est moins grande (d’autres sont passés avant lui)… et puis il a l’habitude…Il est en l’air, il prend peur (nous aussi), son saut n’avance pas, le tapis réagit, tout le monde est là, disponible mais ça va si vite… les pieds atterrissent bien sur le tapis mais le reste, le cul, la tête etc, se cognent contre le béton de la salle. Aï.
Il se relève et dit « ça va, ça va ».
Il nous montre ses fesses (comme d’habitude!), c’est un peu rouge. Beaucoup de peur, peu de mal. Impossible de se détendre trop ici sinon c’est la chute…
Après la chute, la photo de famille, de groupe, de compagnons de route, de voyages, de sauts, de dinguitude!!! yeah!!!
émilie
Apprendre le neutre (ou à être soi-même) avec Elice, trapéziste.
C’est le deuxième jour du séminaire. Après avoir eu les prémices de l’acrobatie avec Jonas, hier, je viens rendre visite aux trapézistes. Elice est la prof aujourd’hui.
Dans les toilettes de ce joli endroit: une affiche de dirigeants politiques dont Mitterrand, et derrière ces visages une foule de gens symbolisant le peuple.
Un texte au centre, les mots sont en français: Faire dire à l’esclave « je veux », plutôt que d’avoir à lui dire « tu dois ».
C’est anecdotique, mais ces mots écrits en français percutent la française que je suis.. Je vous les livre tels qu’ils me sont apparus.
Elice avait très envie de partager sa pratique du trapèze avec des gens ici mais elle était aussi pétrifiée.
Je ne crois pas la trahir en disant cela.
C’est le deuxième jour, elle est plus détendue.
4 personnes arrivent. Le corps bien tendu de muscles, les yeux bien brillants… bon ce ne sont pas des débutants!
Elice a bien préparé ses cours. Voici le premier exercice:
Dessiner des figures qui nous paraissent impossible à réaliser ou « los trucos imposibles ». Waouw. Une fois que l’impossible est tracé il faut lui donner un nom, j’adore!
Les crayons s’affolent, et l’excitation est palpable.
Nous faisons un tour de table une fois que nos oeuvres sont faites.
Nous parlons « paloma », pirouettes, « mortal »… bon je ne comprends pas grand chose comme la plupart d’entre vous, mais eux se comprennent très bien… ils ne sont décidément pas débutants…
A la fin de chaque nouvelle possibilité impossible ils s’exclament en coeur « waaaaaa!!! » comme si ils venaient d’apercevoir un rhinocéros rouge et jaune à petits pois qui parlerait le castellano et le finnois!
Ah ces trapézistes… (l’impression de découvrir un autre monde…)
Maintenant, échauffement. Oh la vache! Ils sont très souples. Très tout.
Ca va voler, je le sens.
Rituel de la guêtre. Pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont des bottines sans semelles pour ne pas se déchirer les jambes quand on fait du trapèze.
Google vous renseignera mieux que moi sur ce rituel un peu bizarre…
Bon après 20 minutes d’enfilage des guêtres, nous entrons dans le vif du sujet.
Elice se met à la sono.
Ils doivent faire un enchaînement de trois figures. Ils le feront deux fois. Sur deux musiques différentes.
Nous, on fait le public, yeah!
La consigne importante, en plus des trois enchaînements techniques, c’est d’être neutre.
Le premier passage des 4 trapézistes extrêmement forts, n’est pas très neutre tout de même…
Elice, en bonne prof, rappelle cet élément très important.
Je vois dans les yeux des stagiaires comme des vides, ou doutes, ou questionnements envers ce « neutre ».
Le seul gars du groupe passe en premier dans ce deuxième passage.
Musique différente de la première. Lui… ben il est différent aussi mais… toujours pas neutre…
Elice, en bonne prof patiente mais exigeante précise ce qu’il y a à préciser.
Le vide dans l’oeil de l’homme est plus plein.
Les autres? Ils ont les jetons, c’est à leur tour de passer!
C’est une consigne difficile pour eux et pour tout ce qui l’ont expérimentée.
Il est souvent plus naturel de jouer un personnage ou de coller à la musique que d’être soi-même et de laisser la liberté au spectateur.
Peut-être, sûrement, nos trapézistes sont déboussolées ou se sentent « empêchés » de faire ce qui leur vient naturellement…
Elice sent cela, et explique que c’est une « technique » de jeu comme une autre, que finalement, quand ils sauront être neutre, ils auront le choix de décider comment ils veulent faire du trapèze.
Passionnant, isn’t it?
Dans les autres passages, la consigne est respectée.
Du public, les caractères de chacun étaient beaucoup plus présents.
Plus de fragilité, de simplicité, et de sincérité.
L’ambiance s’est apaisée.
Et une autre forme de pensée est née.
Une des trapézistes a dit: « si mon prof m’avait vu faire ça: être moi-même sans jouer autre chose, il m’aurait tué.. »
« Pour moi c’est juste le contraire »… Elice.
un bel enseignement aujourd’hui. 🙂
émilie
Apprendre à voler avec Jojo
Le mardi 13 septembre au Circo Social del sur.
Pour le planning :
Cette semaine c’est : seminarios (ou stages) de mardi à jeudi tous les après-midis. Stage de bascule (Sébastien A, Lucho), de trapèze (Elice), de mât chinois (Moïse) et d’acrobatie (Jonas).
Mardi et jeudi soir, un collectif du Cirque social vont nous montrer leur travail, et les galap’ vont bosser avec eux surtout autour de la recherche, de la création. Sébi est le référent.
Vendredi soir, ils jouent risque zéro (ou une adaptation un peu plus courte) à Villa 21 (qui est un quartier pauvre dans Buenos Aires ou un bidon ville bien organisé avec des maisons faites avec plus que des bidons !).
Samedi soir, cabaret fait de numéros de cirque. Ils y participent aussi.
Le départ de Buenos Aires est prévu pour lundi matin très tôt.
Entre temps, il est fortement prévu de récupérer la remorque à la douane…
Des nouvelles de la douane : Ca y est les papiers sont enfin règlementaires. Mais voilà, il faut prendre un rendez-vous avec la douane pour aller chercher le matériel. Le rendez-vous est fixé à jeudi ! nous voudrions l’avoir avant pour pouvoir enfin s’en servir ! pour le séminaire de bascule surtout ! mais ça avance, ça avance !
Aujourd’hui, amigos court d’acrobatie avec Jonas.
En direct de Buenos Aires : « nous allons commencer par un peu de théorie. Pour moi, l’Homme est un animal. Il y a une énergie puissante en nous qui est celle du corps, et que l’on peut appeler l’instinct. C’est une énergie très différente de celle du mental. Elle est très forte. C’est l’instinct de survie. »
Il invite tout le monde à s’allonger. A se détendre. Puis tout d’un coup, comme si un danger extérieur apparaissait, toute l’énergie doit être disponible, doit se donner. C’est dans la détente que nous pouvons trouver cette énergie déjà existante. Non dans l’effort. Il suffit juste d’apprendre à conscientiser cette énergie disponible. (je vous rappelle que nous sommes à un cours d’acrobatie donné par Jonas Séradin, et non à une conférence donnée par le Dalaï Lama… que c’est bon, que c’est bon… ne serait-il pas un peu sage sur les bords notre Jojo ?)
Après avoir trouvé son énergie, apprenons la suspension. Une fois de plus, le travail est plus un travail de conscientisation.
Jonas montre. Nous regardons tous. Quand il le fait, c’est logique, il a réveillé cette conscience il y a bien longtemps, ou peut-être que la nature lui a fait ce cadeau. Nous essayons. Pour la plupart, nous n’avons pas eu cette chance. Pour certains, c’est pas loin. Pour d’autres, c’est sous des couches et des couches un peu obscures. Nous sommes là pour apprendre. Et tout le monde se prête au jeu, au travail avec application. Notre sage acrobate nous explique tout ça avec un langage bien à lui. Un « castellano françisé », apparemment très sympathique pour les argentins… ils sont morts de rire.
Puis, il explique le premier chapitre du cours : « Comment voler en trois après-midis ! »
Pour aider les terriens que nous sommes, il nous donne des images de papillons ou de tout autre animal cotoyant les nuages afin d’apprendre un peu à s’élever.
(je vous rappelle, c’est peut-être nécessaire, que vous n’êtes pas tombés dans une secte, ou tout autre truc qui enferme et qui endort mais qu’il est plutôt question ici d’ouvrir les portes ou même de devenir oiseau quand on le désire…)
Notre corps est fait d’eau pour 90%, facile pour des êtres faits essentiellement d’eau de tomber du ciel ou de ruisseler dans la rue et puis de s’évaporer dans l’air.
C’est si logique…
Bon on essaye, l’évaporation, le vol du coucou, de l’aigle ou de l’hirondelle.
Pour l’instant, sur les quelques tapis du circo social nous sommes plus tortues à la carapace bien lourde que oiseau. (ce n’est que le premier jour…)
Sûrement, dans la nuit ou demain, ou peut-être l’année prochaine, des ailes vont pousser, comme ça tout seul parce qu’on aura conscientiser … yeah !
Merci à toi le sage. L’oiseau. L’acrobate.
Moi qui pensais prendre un cours d’acrobatie classique. Moi qui pensais faire de la muscu, des étirements et quelques roues. Il faut que je vienne ici en Argentine pour découvrir Jonas o la theoria de la acrobacia.
A découvrir les amis…
émilie
Un petit point nécessaire
Bon, comme je vous l’ai dit plus loin, il est difficile (impossible) de vous rendre compte de tout ce qu’il se passe ici. Je tente de sonder les énergies, les émotions, les états et de tisser mes textes de tous ces fils de couleurs et matières différentes.Je tente aussi de comprendre les évènements qui ne sont pas toujours d’une lecture évidente : la douane ou Polo circo.
Je n’y arrive pas toujours ; parfois, je me fais avoir par mes propres sensations. Tout n’est pas publiable ! Lucile, qui a souvent la tête froide m’aide à faire le tri.
Pour l’instant, ici tout va vite.
Nous sommes dans une grande ville, est-ce pour cela ?
Beaucoup de gens rencontrés, beaucoup de problèmes à résoudre, beaucoup de difficultés, beaucoup de joie.
J’écris quelque chose et les quelques minutes qui suivent le rendent obsolète.
Tout est éphémère. Mouvant. Interdépendant. Nous en prenons bien conscience ici.
Nous ouvrons aussi notre regard bien plus loin que nous le faisons habituellement.
Nous nous posons des questions sur comment tourne le monde, et surtout sur notre place dans celui-ci.
Nous préparons un débat qui aura lieu mercredi soir. Beaucoup de protagonistes au centre de la réflexion : nous tous et tous les argentins qui sont intéressés par le sujet (sûrement beaucoup d’artistes).
Le thème est large et passionnant :
Comment vit-on le cirque en France et en Argentine ? Quels liens existe-t-il entre nos pays ? Que peut-on dessiner comme nouveaux chemins chez eux, chez nous, entre nous ?
Ici, le cirque social est très présent. Pour eux, être artiste est intimement lié au partage avec le plus grand nombre, et même au combat social.
Soyons honnête, en France, il nous semble que ce n’est plus ça (ou pour la majorité en tout cas).
Nous disons souvent que donner des cours ou partager notre activité et créer ou jouer des spectacles se sont deux choses bien différentes. En France, c’est comme cela non ?
Ici, non.
Les écoles de cirque, les compagnies, les gens dans les soirées que nous rencontrons jouent beaucoup dans des salles, dans la rue. Le rapport au jeu, à la création semble plus simple ici. Et pourtant tellement moins d’argent.
A Buenos Aires, les artistes n’ont quasiment rien pour vivre. Soit ils font un autre travail à côté, soit ils vivent dans des squats et se débrouillent pour manger avec le peu qu’ils gagnent. C’est un vrai engagement que de faire de l’art ici. Ce n’est pas qu’une passion, c’est bien plus.
Hier, soir, Mariana qui travaille au Circo Social del sur, est venu chez « les Tangos » (ou l’appartement qu’occupent Marine, Moïse, Sébi et Elice) pour préparer ce fameux débat.
Elice explique que, pour elle, le plus important est de parler de spectacle. Que nous sommes des artistes et non des politiques.
Lucho dit que, pour lui, c’est le contraire.
Le débat est déjà là… passionnant…
« Tout est politique »
« Nous n’allons pas venir en colons et dire comment il faut faire chez eux, les fonctionnements sont trop différents, ça ne sert à rien de dire comment ça se passe en France, c’est même indécent ! »
Mariana se bat tous les jours pour que la culture soit reconnue par l’Etat argentin. L’Etat, aujourd’hui ne donne rien du tout pour le cirque. Quelques pesos pour le théâtre, la danse, la musique. Elle nous explique comme c’est important, pour elle, qu’on explique toute notre histoire. Elle connait bien la France. Elle sait très bien que les deux pays sont différents et n’ont pas les mêmes moyens. Mais « tout cela, ce sont des choix politiques, nous nous battons pour que la santé soit aussi importante que la culture ». Tout est choix politique. Nous devons parler pour faire évoluer les choses.
Personne n’ose rien dire derrière ces quelques mots forts.
Les Argentins sont comme cela. Ils se battent, se regroupent et agissent.
Nous, les français, je crois que ça nous plait bien !
Quelques mots sur Polo Circo ou après Polo Circo…
Les quelques jours passés à Polo Circo ont été « sportifs ». C’est le mot qui me vient.
Polo Circo est le seul lieu de cirque qui touche des aides de la ville. Et très peu d’Argentins joue là-bas. Cet « outil de travail » payé avec les sous publics ne leur appartient pas. C’est comme cela qu’ils le vivent. Pourtant ils reconnaissent qu’ils peuvent voir des spectacles qu’ils ne pouvaient pas voir avant. Et pour peu de pesos. Mais voilà c’est leur manière de faire. Grâce à cette lutte « contre le Polo Circo » ils se réunissent enfin pour créer d’autres alternatives.
Cette lutte leur donne l’énergie pour avancer…
Nous avons vécu des choses difficiles là-bas. Nous n’avons pas toujours été capables de prendre du recul et nous avons nourri ces colères. Le Polo Circo a des torts.
Et peut-être que ces torts, erreurs, mauvais fonctionnements, sont dus à la jeunesse de cette structure (elle a environ deux ans). Mais aussi à la méfiance, à la peur de Polo Circo face à tant d’agressivité de la part de la population circassienne vivant ici.
Les galapiats ont donné leur dernière représentation de risque zérO à Polo Circo dimanche à 18h.
Et contents que ce soit la dernière. Une sacrée étape. Une sacrée épreuve.
Comment sommes-nous aujourd’hui ?
Sébastien Armengol, Jonas, Gautier, Moïse, Nelly, Lucie sont malades. Un gros rhume et une grosse fatigue. Une bonne hécatombe…
« Je ne les ai jamais vu comme ça » Marine.
Un groupe fatigué. Un temps de pause serait nécessaire.
Nous ne l’avons pas, le planning est assez chargé. Nous gagnerons l’énergie ailleurs.
La réunion d’hier soir nous a recentré vers des questionnements essentiels.
Nous vivons une Grande Grande Aventure. Il me semble le percevoir dans leurs yeux, dans nos yeux aujourd’hui. Ou du moins, mon esprit est en train de le réaliser..