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Respire

Nous sommes encore pleins de cette lenteur. De ce vent dans les herbes sèches. Du maté qui tourne à en perdre la pipette. Du feu qui donne son parfum de bois. Des montagnes arides qui nous protègent. Des cabanes en paille qui nous abritent des rayons. De l’eau glacée de la rivière qui nous renvoie en enfance. Les regards sont pleins de silence. Du silence qui cohabite avec le souffle, avec le vent, les animaux, le soleil et la nuit. Les sourires sont remplis d’espace. Et de ciel et d’étoiles. Un temps de souffle, de silence et de respiration. Un instant de paix au rythme des tortues.

Les adorables tortues qui nous accueillent ici sont en train de créer leur lieu d’habitation dans la montagne à  45 minutes  de leur petite école de cirque dans laquelle nous sommes accueillis. Il faut faire encore 5 kms après avoir passé le petit village avant d’arriver à l’immense terre assoiffée qui voit pousser les cabanes en paille, en bois, et en… (ah ! non la brique c’est que pour les cochons !) bouteilles en plastique.

Ce lieu un peu Extra ordinaire se nomme  Ecoaldea   (le nom vous en donne la couleur…)

Nous nous laissons guider. Nous dépendons des gens qui nous ouvrent les bras. Nous suivons leur pas, leur énergie, leurs envies. Le temps d’adaptation est de plus en plus court. Chaque personne du groupe semble gagner de la souplesse. Chacun bien sûr a besoin de dire  « JE » très fort de temps en temps, ça secoue tout le monde un petit moment, et puis chacun  se refait un espace de liberté. Pas si facile d’écouter ses besoins et ceux du groupe. Quand, par chance ça va dans le même sens, notre force se trouve amplifiée, quand ça se contredit, les tensions naissent. Bien sûr, tout cela existe mais toujours, toujours la joie revient. La conscience de vivre une aventure extraordinaire ne s’est pas tarie pendant ces semaines. Nous prenons tous soin de ce cadeau.

Ils nous ont réservé deux jours pour vivre là-bas. Pour y lézarder ok mais aussi pour donner une variété juste à côté de leur refuge et cela à 17h. Ces tortues-là sont passionnées de cirque bien sûr, et nous allons jouer ensemble. Chuca est toujours là, fidèle et de plus en plus heureux de partager cette piste avec les galapiats. Nos artistes, eux commencent à prendre goût à ces petits cabarets. Leurs propositions sont différentes à chaque fois, ça donne de l’air et de la vivacité à leur jeu.

Le lieu de la variété d’aujourd’hui est magnifique, c’est en pleine cambrousse waouwww… 17h : personne… ce bout de champ a été joliment appelé la place des«  Pinches Cabrones » (traduction littérale : putains d’épines !). Et aujourd’hui c’est l’inauguration ! J

18h, après quelques aller/retours au village, Chuca et son camion/bus ramène quelques gamins du village. Deux ou trois couples curieux sont aussi venus se piquer le cul sur les putains d’épines de la « place ». Il est 18h45. Le soleil commence à faiblir, les artistes commencent.

Et bien les amis, il était divin ce public… les enfants et leur bouche ouverte, les adultes et leur sourire d’enfant ou leur larme de crocodile.

C’était magnifique dans ce désert paradisiaque…

Tout portait une saveur d’éternité…

Pourquoi  venir faire du cirque ici ?

 Pour vingt personnes émerveillées ?  Pour faire du trapèze avec les montagnes ? Pour nous remettre à notre place face à la grandeur du monde ? Pour une petite fille qui, à la fin, danse au centre de la piste face à des gens qui vivent dans un pays lointain ? Pour le jeune jongleur d’ici qui mord la scène ouverte et qui tient la fierté dans ses mains ? Pour Lucho ? Pour Jonas ? Pour Lucie ? Pour Nelly qui saisit des figures ? Pour Luc qui fait vibrer la guitare électrique dans ce no man’s land ? Pour Chuca  qui se régale de surfer sur les airs galapiesques ? Pour le raconter à nos enfants ?

Dans ce lieu hors du temps, l’eau n’est pas dans les éviers (aucun évier d’ailleurs !) et l’électricité n’est pas encore arrivée… peut-être, sûrement, elle n’y arrivera jamais.

Dans ce lieu grandiose et pur, nous avons respiré, respiré, respiré tous les 13, ensemble au même rythme. L’espace nous a fait oublier la promiscuité. Les heures qui bâillent et qui bâillent ont balayé le stress de Buenos Aires, et la tension du travail.

Elice et Sebi ont dormi à la belle étoile sur le tapis de bascule. Le ciel était tout nu hier soir, sans voile de lumière, sans retenu.

Les autres ont lancé leur tente « 3 secondes » de Décathlon… et se sont cassés le dos sur des ridicules tapis de sol !

Au grand matin, les montagnes nous ont réveillés à tour de rôle. C’était carrément cool comme réveil !

Malgré l’absence d’horloge le temps a fini par passer.

Après un passage à la rivière, nous posons à nouveau pied en ville.

Plein de désert tranquille, nous allons continuer notre chemin en Argentine, au Chili et même plus loin encore, en tortue, en serpent ou en chien…

Un peu l’impression, parfois, que ce voyage durera toujours, nous prenons habitude, mais nous le savons, ça se finira. Et peut-être aussi que chacun de nous portera cette trace et que ça nous changera et que l’on se souviendra de notre belle étoile, des tortues, de Chuca, des chansons, des feus de joie, du coin perdu et des regards.

A « l’école western », après notre passage, l’institutrice a été contactée par les autorités. Ils ont lu les articles, et peut-être ont rencontré des gens qui avaient croisé le voisin de celui qui est venu avec son petit ce jour-là. Les autorités, elles se sont dit qu’il fallait récompenser l’école pour cette initiative. Ils ont offert aux 8 petits cowboys un ordinateur et une imprimante… alors peut-être aussi que cela sert à ça. Il n’y a rien d’héroïque à faire du cirque en Amérique du sud, à la campagne. Ils sont juste heureux de jouer là, de prendre le bon air et de faire vibrer. Ce sont des petites choses de gamins circassiens qui, pourtant changent la vie de certains, c’est sûr. En Argentine ou ailleurs, ces artistes-là scrutent leur feu intérieur, tremblent quand ils ne voient que des braises, appellent la flamme, et s’il faut la hache pour trancher le bois, elle n’est jamais très loin. Ca n’a rien d’héroïque et pourtant leur chaleur nous éveille, nous éclaire, nous rend plus vivant. Peut-être que c’est ça être artiste ? Peut-être… Peut-être que c’est notre devoir à chacun de nous, afin de réchauffer les cœurs qui sont morts de froids ? Peut-être…

émilie

 

San luis

Dernière étape de l’Argentine.

Nous avons fait plus de la moitié du voyage. Jusque là, nous avons vécu ici sans compter le temps parce que nous en avions justement. Aujourd’hui, nous prenons conscience que nous avons plus de choses derrière que devant.

Ca fait quelque chose.

Dans une semaine, le 4×4 tirant la remorque  se dirigera vers la frontière chilienne. Nous décidons par réunions interposées : Qui va dans cette voiture ? Qui veut en avoir la responsabilité ? Qui a en a envie ? Qui peut le faire ?

Ce passage peut être épineux, très épineux, nous le savons depuis le début.

Le planning prévoit une semaine pour traverser la Cordillère des Andes.

Pour ceux qui seront dans le 4×4 : peut-être une semaine à gérer les problèmes rencontrés par la douane et tout faire pour que ça passe, pour les autres : Vacances… jusqu’à Santiago au Chili…

Cela fait quelques jours que nous avons quitté Villa Mercedes et cela paraît loin déjà.

Ici c’est bien différent. A part peut-être la baba cool attitude. Le rythme est lent. Les horaires sont élastiques. Lucile nous l’avait dit «A San Luis rien n’est vraiment organisé, enfin c’est un peu plus flou qu’ailleurs… ». Jonas est le référent du lieu. Ce flou lui laisse le champ libre à l’organisation…

Marine réclamait une réunion depuis le début du voyage pour parler d’une éventuelle tournée l’année prochaine en Europe de l’Est. Le planning le leur permet enfin.

Nous sommes en plein cœur de leur rêve, au centre de l’Argentine, et nos esprits se tournent vers l’Est en Europe. Les discussions sont passionnelles comme toujours. Les gueules sont libres et les visages combattifs. Chacun réclame son temps de parole. Chaque avis compte. Et si parfois on se laisse aller à réduire une décision à la majorité, le « pas d’accord » se bat pour qu’on ne l’oublie pas ; pour que sa voix ne soit pas noyée dans le groupe. Et chacun écoute. C’est passionnant.

Pour cette semaine : Une variété vendredi soir à la petite école de cirque qui nous accueille. L’horaire annoncé pour cette variété : 19h, mais voilà vu l’élasticité des minutes, ça ne commencera pas avant 21h ! Oh la vache ! c’est comme cela ici… « ce n’est pas un lieu formel » voilà ce qu’ils nous ont dit… bon alors… si c’est pas formel…

Samedi soir, Risque zérO se joue dans le théâtre de l’Université de la ville. Nous allons voir le vieux théâtre tout en bois. Ouaw… les artistes jettent un coup d’œil à la hauteur, à la couleur, à la chaleur, ils décident, ils adaptent. Risque ZérO est plus à l’aise dans un chap c’est sûr, dans la rue parfois, ou dans un quartier c’est vrai, bon là c’est plus précieux, plus « formel », ils vont réduire, couper ce qui va le plus haut afin que tout entre dans le cadre… Ils n’ont pas l’air frustré de ça… sûrement parce que ça change… qu’au théâtre de l’Université de San Luis, ils sont à l’opposé de l’ambiance de Villa 21 ou de «  l’école western ». Ils veulent TOUT vivre ces galapiats !

émilie

Faire la vache shakespearienne en Argentine

Nous voici depuis deux jours à Villa Mercedes. Ville plutôt grande du centre Argentine. C’est la ville la plus friquée qu’on ait rencontrée. Ca se sent dans l’architecture. La place sur laquelle va jouer « Risque ZérO » aujourd’hui est presque luxueuse.

Pelaso est clown. De part sa coupe de cheveux et ses habits nous le reconnaissons vite. Il organise un festival de Clown/Circo depuis 5 ans : « Chapa Chapita Chapon » (à dire ensemble en gueulant et en faisant de grands gestes… pour être dans l’esprit du festival bien sûr…) Il a une organisation anarchiste, c’est ce qu’il nous dit en arrivant. Je n’ai rien contre les anarchistes, mais dit comme ça, ça m’a un peu fait peur. Il s’avère que l’anarchiste Pelaso est entouré de sa femme et d’autres organisateurs, certes baba cool, mais très efficaces. Ca roule…

Nous dormons tous dans une maison… même plus peur ! On est rôdés !

Petit hommage sur ce blog à la nourriture végétarienne et surtout équilibrée qu’ils préparent pour toutes les équipes du festival ! C’était absolument nécessaire, indispensable dans notre parcours culinaire argentin. Entre les machines ultra puissantes à la laverie et la nourriture plus que nourrissante, nous commencions à ne plus rentrer dans nos fringues !

Nos galap’ ont déjà fait une variété ici au sein d’un quartier, dans un comedor (une cantine). A chaque fois, c’est l’évènement pour les gens qui nous accueillent. Nancy travaille dans un magasin et fait vivre ce comedor depuis des années. Elle connait toutes les familles, et elle sait que ce moment sera précieux pour les habitants d’ici.

Le lendemain de notre passage, les enfants dessinaient des acrobaties, des massues volantes, des femmes à la crinière noire… la tornade « galapiat » était passée.

L’accueil est toujours dantesque dans chaque lieu, dans chaque ville, village, quartier. Les artistes essaient de donner le meilleur. Pas toujours facile car ils jouent tous les jours. Mais ici nous réalisons (peut-être encore plus qu’en France) combien il est important de considérer les représentations que nous donnons comme un cadeau. Et à chaque fois, le cadeau est unique.

Ici, tous les matins : Cours de clown avec un grande profesor de payaso de Buenos Aires !

Il s’appelle Daniel. Il peut foutre un peu les chocottes quand on le voit pour la première fois. Avec son allure toute maigre et son faciès non souriant. Et, puis pendant les cours, son non sourire nous fait rire… c’est la magie du clown…

Daniel, le prof : «   Shakespeare a fait demander à Hamlet : être ou ne pas être ? Nous, aujourd’hui, nous vivons la réponse… »

Si vous pouviez envoyer vos idées, commentaires, pensées, suggestions, histoires, blagues ou autres à propos de cette phrase ; elle me plaît, mais j’ai besoin de vos lanternes pour éclairer la grandeur de cette pensée philosophique…

Excepté Hamlet, l’inoubliable de ces moments clownesques c’est le flamand rose ou la vache faits par Lucile Mulliez… Enorme !

Aujourd’hui, c’est le 3 octobre.

Parenthèse technique.

Ici dans le groupe de 13 : 4 ordinateurs. Tout le monde en a besoin pour appeler sa chérie restée en France, pour mettre de la musique pendant son atelier, pour charger les photos prises dans la journée, pour retranscrire les interviews de la veille, pour envoyer des mails de relance pour vendre « Risque zérO pour 2013 », pour écrire des textes pour le Blog. Nous avons tous des bonnes raisons. De plus, nous ne voulons pas rater l’essentiel de ce qu’il se passe autour de nous (spectacles, ateliers…). Pour en parler, il faut d’abord le vivre… Ce qui produit toujours la même situation : Nous réclamons les ordinateurs en même temps !!! La Mierda !!! Bon, c’est un détail mais qui est bien présent dans notre quotidien je vous assure. Et cela vous explique aussi pourquoi je ne peux pas vous écrire tous les jours. « Ooooo la connerie de ne pas avoir pris mon ordinateur »… voici la phrase redondante du voyage !

Quelques jours sont donc passés depuis le début de ce texte.

Risque ZérO a été joué. La foule était au rendez-vous. Le public debout. Emerveillé. Beaucoup nous disent : « je n’ai pas de mot pour qualifier ce que j’ai vu » ou « je n’ai jamais vu de spectacle comme cela, c’est incroyable ». Nous nous régalons…

Sans ce spectacle personne ne serait là aujourd’hui. « Risque zérO » c’est un peu « la messe » laïque pour l’équipe. Tout le monde se réunit pour entendre toujours les mêmes paroles qui nous font du bien, qui nous redonnent toujours le sens de notre passage ici.

Nous partons déjà ce soir. L’étape de Villa Mercedes est presque derrière nous. Ici, nous avons mangé à tous les repas avec les autres artistes (Argentins, Chiliens) du festival. Ici, ceux qui jouent aiment regarder les copains. Ils sont toujours enthousiastes avant, pendant, après les représentations des autres. Est-ce pour soutenir ? Ou aiment-ils vraiment tout ce qui se fait ? En tout cas, cette attitude crée une ambiance paisible dans laquelle chacun a sa place avec sa différence et son niveau. Les propositions de jeu semblent être plus faciles à faire grâce à cette bienveillance. Marine a dit une phrase hier soir, qui semble peut-être naïve vue de loin mais de près, elle ressemble bien à des sensations que j’ai pu ressentir : « les gens ici on dirait qu’ils n’ont pas de méchanceté ! » C’est vrai qu’ils sont tous un peu « Hippies » (comme ils disent) Amour, Amour, Amour… C’est parfois un peu caricatural pour nous, mais il faut bien avouer que c’est bien agréable…

Hier soir, Summum du « Hippisme » ! Feu dans une cours. Guitare. Un homme avec un bol tibétain. Chant. Danse. Que c’était bien !!!!!!!! Vive les Hippies !!!!

Gautier ce matin au petit-déjeuner : « on s’est bien mis la race hier soir ». (ça, c’est pas très hippie comme phrase… plutôt « galapiesque » !)

                                                         Des nouvelles de Gautier d’ailleurs : il a lu 20 pages de son livre hier. Il en est à la page 150. Yeah !

Ciao Villa Mercedes. Direction San Luis. Dernière étape avant la frontière du Chili.

A bientôt amigos.

émilie

 

 

 

 

« Ecole western »

Dans le dossier du voyage c’était écrit : « Aller là où le cirque ne va pas ».
Chuca l’a lu, l’a vu. Ca lui a plu. C’est pour cela qu’il nous y a amené aujourd’hui.
Il est 8h du matin. Nous sommes tous dans les voitures. Nous partons de Rio Cuarto.
Très vite les routes deviennent un peu moins droite. Aucune habitation en vue.
Les vaches et les moutons trônent sur cette Terre que nous découvrons. L’atmosphère se transforme. La chaleur est lourde, et crée comme un engourdissement de nos esprits. Nous prenons de l’essence. Je crois que nous ne sommes plus très loin. Un homme à la station nous dit « vous êtes les français qui vont à l’école, n’est-ce-pas ? Bienvenue, bienvenue ! «
« Mais où va-t-on ? Qui sont les gens qui vont nous accueillir ? Où sommes-nous ? C’est quoi la vie des gens ici ? »
Nous faisons tous les jours des choses différentes, passionnantes. Des rencontres, des discussions se créent toujours et nous tentons d’en profiter le maximum. Il est difficile de préparer la suite. De nous intéresser à la prochaine étape. Nous savons quand même que nous allons dans une école. Chez les galapiats, seule Lucile est un peu plus au courant.
Chuca sait ce que nous allons vivre aujourd’hui. Il nous y amène sans trahir le mystère.
A quelques kilomètres de la station essence, nous prenons un long chemin de terre qui nous sabote le cul.
Imaginez.

Les voitures et leur gros nuage de poussière. La chaleur pesante. Il est 10h du matin. Tout à coup, au loin, vous apercevez des gens ou une ribambelle de personnes. Au dessus de leur tête une banderole « BIENVENIDO ». Vous vous approchez encore et vous voyez qu’il y a des enfants en cravate ou en robe « rose délavé » (qui est sûrement La robe de grand jour). Un homme tient un mégaphone et lance des mots qui cassent les oreilles mais qui foutent direct la boule d’émotion dans la gorge. Une dame excitée, folle de joie semble être la maîtresse. Des drapeaux tapissent la clôture du jardin de l’école.

Drapeau de Hollande. Du Mexique. De Finlande. De la France. De l’Argentine. L’homme et son mégaphone passe dans « la foule » et l’exercice est de dire notre prénom et le pays d’où l’on vient. Nous nous plions à la règle, ils ont tout organisé. C’est incroyable. Ils nous demandent de les suivre. Dans le beau jardin de l’école, il faut choisir une personne qui représente chaque pays dont nous venons. Lucho, Elice, Sébi, Lucile suivent la consigne avec timidité comme des élèves un jour de rentrée. Tous les enfants ainsi que les grands se mettent à chanter l’hymne de l’Argentine. C’est extrêmement protocolaire bien sûr. Mais putain ça fait chialer. Pendant le chant ils hissent, chacun leur tour, le drapeau de l’Argentine.

Une ambiance de western et de petite maison dans la prairie.
Rajouter cela à votre tableau et vous y êtes, là, avec nous, en Argentine dans une escuelita (petite école) de campagne dans laquelle seulement 8 enfants travaillent leur savoir avec une institutrice passionnée et une dame qui leur fait à manger et qui prépare le maté !
Ils nous invitent à entrer dans l’école. Il fait frais. Mmmmmm. Les murs sont épais. Le tableau est bien noir. Les tables et les chaises ont oublié de grandir.
Ils nous servent le thé. Le café avec ou sans lait. Le chocolat chaud ou le maté. Des journalistes sont là. Ca mitraille de photos.
Et, puis la dame pleine de joie dans son habit de maîtresse nous raconte l’Histoire. L’histoire de cette école vieille de plus de quatre vingt ans. Elle nous présente les 8 élèves, tous un peu frères et sœurs. Un homme, Fabian, l’était aussi il y a longtemps. Il est là, debout, fier. C’était lui tout à l’heure qui tenait le mégaphone. Fabian adore le cirque. Il est clown dans une fanfare ici. Il habite dans le village de la station service, Achiras. Il est toujours resté là.
Pour lui, c’est un rêve qui se réalise, il ne pouvait pas croire qu’un cirque, et venu de France, viendrait jusqu’ici. Jamais personne n’est passé dans cette école pour partager le cirque avec les enfants. Il veut que ce chemin de terre accueille maintenant tous les cirques de passage. Qu’ils viennent à Acharas comme ils viennent à Buenos Aires… ca lui donne des ailes…
Cela fait des semaines qu’ils préparent notre venue, l’école est décorée. Ils ont réussi à récolter des pesos grâce a la vente de petites mignardises argentines afin de payer la bouffe à treize français qui étaient de passage à la campagne. Et quelle bouffe mes amis, quelle bouffe ! Les animaux qu’ils nous mettent dans l’assiette et qui sont cuits sur l’énorme barbecue derrière l’école, broutaient tranquillement ce matin même dans le champ d’à côté, alors imaginez le délice…

Il est 15h. Dehors, des bonbons, glaces, et sodas voient arriver les parents et enfants conviés de 14 écoles de campagne voisines. L’ambiance « kermesse » s’installe ainsi que le mât, le portique, la musique. Il fait toujours très chaud, mais le vent devient fort. Tout le monde se protège de la poussière habituelle pour ici.

L’après-midi de cirque peut commencer. Le mât est de ce côté. La bascule, à l’entrée, ça va envoyer ! La corde au milieu pour Elice. Les amis de Rio Cuarto sont là, à chanter, à jouer avec nous.
Le public découvre, discute, se déplace, cherche l’ombre. En famille ils sont venus, ils boivent le maté bien sûr, tout en regardant les mecs et nanas de France, de Pologne, de Finlande/Mexique, de Hollande qui font leurs folies circassiennes. Ils les prennent en photo.
Des jeunes de 17/18 ans d’Archiras sont venus pour l’occas. Ils portent l’excitation de leur âge avec la convivialité et le sourire plein de lumière des gens de ce pays. Ils sont heureux d’ouvrir leur horizon, c’est ce que je sens. Ils sont fiers d’être d’ici. Ils aiment leur terre, et leur mode de vie. Ils ont envie de partager un moment de vie, de fête avec nous. Simplement. Nous passons toute la journée ensemble. Ils restent même le soir. Dans l’escuelita, pour partager l’agneau et les danses, et les chants. Quelle joie ! quelle fête ! quelle chance !
Nous passons une nuit dans ce coin paradisiaque. Afin de déguster encore leur soleil et puis leur rivière.

Pour certains, ce fut le plus beau moment de ce voyage.

J’aurais aimé que vous soyez tous là avec nous. Nos amis. Notre famille. De toutes vos origines et natures différentes.

Tout ce que nous vivons nous transforme. Imperceptiblement. Profondément. Vive les voyages!
…… 🙂

émilie

PS: un mot de toute l’equipe pour Odilon. Nous pensons fort a toi de nos contrees lointaines. Nous t’envoyons courage, force et sourires. nous aimerions venir te voir et t’aider a prendre soin de toi dans ce moment difficile. nous ne pouvons le faire, nous t’envoyons simplement ce mot gonfle d’amour et de solidarite.

Les galap’

Tout le monde dans la place!

Une grande place au coeur de la ville.
Il est 20h00, le portique est prêt, le mât chinois, entre le bitume et l’étoile, se tient droit, fier comme un roi, le trapèze rêvasse en attendant son tour. Pas de vent. Pas de pluie.

 L’air nous donne une juste douceur.
Les minutes avancent vers Risque zérO. Le temps commence à avoir une autre saveur, la lumière des projecteurs nous propulsent en orbite.
les artistes s’agitent, ils sont dans leurs habits de piste, ils s’échauffent, il va falloir y aller, il va falloir donner.
Une par une les personnes arrivent. Parfois en famille. Ou avec leur compagnon canin. Petit à petit les personnes se placent. Certains sont là depuis longtemps déjà. Comme si elles pressentaient la foule. Le spectacle a été largement annoncé dans les journaux, Rio Cuarto sait que les petits français vont donner la représentation.
Il est 20h20. Le spectacle commence.
Risque zérO avance, et se dévoile. Sans pudeur, sans retenu, sans peur.
Le public grossit. Il est parfois loin d’eux. Il ne voit pas toujours. Mais il se tient là en plein vol d’un rêve de dingues gamins géniaux.
Le souffle coupé, la foule regarde.
L’ambiance est pourtant presque intime.
Malgré le micro nécessaire pour se faire entendre.
Sébastien et son personnage professoral est parfait avec cet instrument. Luc a rajouté des effets. Son numéro prend du corps et de l’ampleur. Il parle espagnol, ça lui va comme un gant. Il se régale. Et ça se voit. Et ça se sent.
Et je ris comme une enfant.
Nous, les petites françaises, on est assises là, cul contre cul. On se regarde. De la fierté. De la joie. On voit la foule. On en revient pas. C’est un moment de grâce. Un moment grandiose.
Sur la piste, ils sont bons. Ils s’amusent. Ils donnent avec tout leur coeur de rebelles généreux. Les gens semblent se dire avant chaque numéro « ce n’est pas possible, non… » et Si. Ils repoussent leurs limites. Ils repoussent les frontières du montrable, du possible, du pensable.
C’est l’annif’ de Lucile, ils lancent durant la représentation des clins d’oeil à la grande Dame.
2h après, le spectacle se termine. Les applaudissements. Les artistes couronnent Luciole.
Je regarde à côté, derrière, devant, au-dessus.
Ils sont au moins 1500.
Ils veulent les prendre en photo. Les toucher, les petits français. Pour certains des galap’, ils sont un peu emmerdés. Ils préfèrent la simplicité du calin ou du sourire à celle du flash qui éblouit. Pour d’autres, je crois qu’ils aiment bien ça, le flash, les filles qui sourient, et tout ça et tout ça…
A Rio Cuarto, en Argentine, hier soir c’était énorme. La fête pour l’anniversaire de Lucile a suivi. Nous étions une trentaine au moins chez Lian. Nous avons dansé jusqu’au bout de la nuit.
  Il y a des moments dans une vie où le temps est suspendu dans de l’amour pur et doux. Les mots sont un peu limités pour en parler. Je le fais quand même pour tenter de vous en donner la substance.
Et c’est sur cette note là que nous quittons demain au petit matin Rio Cuarto.
Nous continuons notre route.
Con mucho amor a ustedes.

émilie

 

 

 

 

 

 

ps: merci de tout coeur a vous de nous suivre et de nous faire vos retours; j’aurais l’air bien con a ecrire notre voyage pour personne… la, seule, devant l’ordi, sans accents, dans un cyber cafe!